Quand on a de l'intimité avec les mots, la question de les posséder ne se pose pas : on baigne dedans, ils ne sont pas étrangers. Etranges ou exotiques, oui, mais jamais extérieurs : on les a en bouche, on les mâche et les recrache.
Aujourd'hui cependant, j'ai perdu un mot. Je pense et je jette instinctivement sur la page "Absorbsion"... je ne suis pas à l'aise avec ce mot. Je vois bien que ce "b" me gêne, mais il est nécessaire qu'il soit là.
Je ne reconnais plus le mot auquel je pense. Le stylo est impuissant à le convoquer. Il n'existe plus, il n'apparaît plus.
Que se passe-t-il?
J'ai eu très peur d'être arrachée à ma fusion d'avec les mots -si on m'enlève ça je n'ai plus rien- et puis j'ai compris qu'en fait j'étais en train d'écrire deux mots en même temps, ni tout à fait l'un ni tout à fait l'autre, mais un mot autonome pour autant, comme un accord de seconde grinçant est encore un accord.
Absorption
Obsession
"Tout était électricité pour cette machine à illusions : les journaux me fournissaient des mots-cadeaux ; je recevais de mes amis des cartes postales ou des coups de téléphone qui "corroboraient" ce que j'avais écrit la veille... ma fébrilité était réelle, vérifiable : un soir j'ai pris ma température après une viré vertigineuse parmi mille étoiles clignotantes : citations bibliques, étymologies, noms propres... j'avais 38°. Les mots sont-ils une maladie? Sans le savoir je glissais déjà sur la pente de la folie. Mais comme la pente était douce !"
N Huston, Journal de la création (éd Actes Sud/Babel)
J'ai très peur mais cependant je n'ai finallement pas envie de retrouver mes mots en bouche.
lundi 31 mars 2008
absorbsession
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