jeudi 19 mars 2009

sombre vitalité

Nous avons beaucoup de petites maisons d'édition spé théâtres à la librairie, qu'un petit libraire généraliste - genre auquel j'appartenais il y a encore un an et demie - peut avouer sans honte ne pas les connaître toutes, tellement elles sont spécialisées... Je pense à Quartett, ou Color Gang par exemple. C'est dommage car il y a de vraies pépites comme les textes de Sébastien Joanniez qui peuvent être interclassés avec la littérature et dépasser leur genre... car on le sait, le rayon théâtre est difficile à faire vivre en librairie généraliste, il faut ruser...


De temps en temps, en passant devant un rayon, je tend le bras et j'attrape une couv qui m'accroche, un titre qui m'interpelle.

Là en l'occurrence, c'est la patte de Martin Verdet (un des lauréats du concours des plus beaux livres français) pour les éd Le Miroir qui fume qui m'a attrapée par le col.
Les couv se passent de commentaire : graphiques tout en restant lisibles, modernes sans être "tendance". Bref, extra.
Un format semi poche, carré, une police large mais juste ce qu'il faut (j'adore avoir la place d'écrire sur mes livres), une colle de bonne qualité (j'ai horreur des pages qui se détachent), un papier qui a de la matière (j'aime pas les papiers trop lisses ni blanc javel) bref, un vrai bonheur.

Et c'est comme ça, par un concours de circonstance complètement fortuit et superficiel, que j'ai pris une monumentale claque en découvrant Ximena Escalante, écrivain mexicain qui dit comme personne le ravage et la violence des désirs troubles qui tordent et oppressent. Avec un humour noir ravageur, une écriture serrée et extrêmement belle, tendue et si moderne. (un tour de force du traducteur Philippe Eustachon)
Un univers si mexicain, si féministe, mais écrit en dehors de tout motif proprement local ou féministe. Quelle surprise de l'entendre hier au salon du livre où elle était interrogée par son éditeur français Manuel Ulloa, citer Pascal, Voltaire et Racine comme ses lectures françaises préférées !! On se posait la question de savoir si une écriture violente et drôle existait en français sur ces mêmes thèmes, et à la réflexion, je dirais que Marion Aubert, surtout ses courts textes du recueil "La famille", est tout à fait de la même famille.
"Moi aussi je veux un prophète"

Le roi Hérode a emprisonné le prophète. La famille royale et son entourage se l'approprient pour combler leurs manques. Le roi Hérode angoissé par son vide intérieur le réduit au silence pour en faire le confident idéal, Salomé adolescente en rivalité avec sa mère en fait son amant, la reine Hérodias, manipulée par l'obsession de son image, se voit dépossédée du rôle central qu'elle voudrait tenir. Le prophète est mutilé et révèle les obsessions de chacun jusqu'à la mort.

Ximena Escalante racontait hier que c'est lors d'une mise en scène de Phèdre, qu'elle suivait, qu'elle a eu envie de réécrire Phèdre. Or le texte ne pouvait pas être modifié, alors ces réécritures ont donné naissance à ce texte d'une troublante vitalité mortifère et étouffante.


Le théâtre mexicain est un théâtre très peu traduit, dont les éditions Le miroir qui fume sont spécialistes. D'ailleurs il n'y a qu'à voir ma sélection spéciale "dramaturges mexicains" sur le site de la librairie pour le constater : une maison d'édition tout à fait indispensable !

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